Que se passe-t-il lorsque l'on glisse sur une peau de banane ?
De la réalité subjective à la compétence émotionnelleEnfermé, confiné chez soi, à travailler, à faire des conf-calls, des visios… « Maman, tu peux m’essuyéééééééééer ? J’m’ennuiiiiiie, tu viens jouer avec moi ? C’est qui le monsieur avec les gros sourcils ? Papa, j’ai soiaaaaaaaaaaaaaaf !!! » … Dans ce contexte si particulier des confinements covid de 2020-2021, le principe de réalité, ou plutôt les principes de réalité de nos différentes vies s’imposent, s’opposent, se superposent.
Comment gérer ? Je n’en sais rien, en tout cas je n’ai pas d’idée de réponse opérationnelle, de conseil à actionner comme ça, le même pour tous. Juste peut-être des éléments de réflexion pour faire bouger non pas la réalité, non, elle ne bougera pas, notre prise est faible ou inexistante. Mais faire bouger notre réalité à nous, notre état d’esprit, notre façon de vivre les choses. Ce que les psys appellent notre « réalité subjective ».
Illustration de la réalité subjective
Une anecdote me revient au moment où je commence cet écrit. J’étais en coaching avec un de mes clients. Séquence post-déjeuner, nous marchons dehors (c’était avant le confinement !) pour cette session. Hop ! d’un coup, il ne me voit plus : j’ai glissé et me suis étalée par terre, un gros splatch et dans une flaque d’eau par-dessus le marché. La gaffe maximale !
Qu’est-ce que je peux en faire ? Comment je gère ? La réalité est là, je me suis magnifiquement cassé la figure, me mettant ainsi dans une position physiquement et moralement très inconfortable, voire gênante. C’est un fait, et donc je n’ai plus de prise de dessus. Plus aucune, c’est fait.
Plusieurs scénarii :
- Je me confonds, je fonds de honte, je rougis, je balbutie et je me laisse entraînée par cet état intérieur. Mon image est ternie, je me sens ridicule et ridiculisée. Je vis la situation en forme de mini traumatisme et de fait, la marquant fortement émotionnellement, elle devient marquante pour moi et pour mon interlocuteur. C’est comme en tant que parent avec un enfant : si je vis une situation de façon stressante, l’enfant absorbera lui aussi le stress.
Ou alors :
- Je reconnais (intérieurement) l’inconfort, la gêne, voire la honte, à la fois physique et morale. Certes, j’aurais préféré que les faits se déroulent autrement, certes ! J’aurais préféré continuer tranquillement notre échange, c’est certain. So what ? et maintenant ?
La situation est digne de vidéo-gag, c’est vrai aussi. En me plaçant un peu à l’extérieur de moi, en « position méta », je peux en sourire, gentiment. Et mon client ? qu’est-ce que je peux imaginer qu’il ressent ? Du rire ? Je le comprends, je l’ai dit, c’est vidéo-gag. Nous pouvons en rigoler, sincèrement. De la peur et de la surprise ? Je le comprends, j’aurais pu me faire très mal.
Je me relève, ça va. Je le rassure donc en lui disant que ça va. C’est sincère. Je me suis éraflé la jambe, elle est mouillée par la flaque, mais c’est tout. Et je le lui dis en restant en contact avec ce que je ressens. J’ai eu peur, j’aurais vraiment pu me faire mal mais j’ai eu de la chance. Je lui ai aussi dit cela. Simplement, comme cela venait ou presque. Effectivement, comme j’ai reconnu en amont ce que j’étais en train de vivre, la panique, la honte et le stress qui auraient pu vouloir s’exprimer n’ont pas eu besoin de le faire. Donc, tout ce que je dis sort sincèrement de ma bouche et avec un calme relatif, le rendant socialement acceptable. Le stress et la douleur redescendent, je me reconcentre, nous ré-entamons une discussion d’abord un peu légère pour lui laisser le temps de se reconcentrer, puis nous reprenons notre échange. Deux minutes se sont écoulées depuis ma chute.
Et alors ? Bah rien, justement ! D’une situation plutôt gênante, qui aurait pu casser la base de mon matériel de travail en tant que coach, i.e. l’art de créer et maintenir une relation avec l’autre, j’ai un non-événement. Un truc qui arrive et qui passe sans marquer. Comment ? D’abord en acceptant la réalité telle qu’elle est à un moment donné, ce sur quoi je n’ai alors aucune prise. Je l’accepte veut dire que je l’accueille telle quelle, sans juger. S’énerver sur ce qui aurait pu être est vain. Je préfère trouver le moyen d’utiliser mon énergie sur un truc sur lequel j’ai une prise : moi-même et ma vision des choses.
La réaction juste après, non travaillée, n’en est qu’une conséquence. Comment, par ce « lâcher-prise » sur la réalité, je peux rendre cette réalité plus confortable à vivre pour moi et pour l’Autre ? Ma réponse, à ce moment-là, c’est de ne pas imposer à moi comme à mon client un vécu émotionnellement trop fort et trop désagréable, ramener l’intensité potentielle à un niveau de sérénité acceptable. Physiquement, j’ai eu de la chance et je ne peux plus rien y faire. Moralement, c’est à moi de jouer, en lien avec ce que je ressens.
Et ma fille qui a soif (ou pire…) ? C’est fait, elle l’a dit, tout le monde l’a entendue, l’audience est déconcentrée, peut-être amusée, souriante, agacée, que sais-je… Et maintenant ? Comment j’aimerais vivre au mieux les choses ? Quelle serait ma « réalité subjective » qui me permette de me sentir intérieurement confortable, et les autres aussi ?
Je pense que c’est grave, impardonnable, ça pourrit mon image de collaborateur sérieux et fiable ? A cet instant, ayez seulement en tête que votre réalité subjective a toutes les chances de devenir objective. Et j’ai le pouvoir de choisir cette réalité subjective.
Je trouve que cela apporte un peu de gaieté, de légèreté dans une réunion bien sérieuse ? Un décalage ? Dites-le-vous, ressentez-le !
De la réalité subjective à la compétence émotionnelle
D’aucuns appellent cette compétence de la compétence émotionnelle, c’est-à-dire l’art d’utiliser ce que l’on ressent avec un comportement efficace et adapté. Revenir à soi, son confort, identifier et prendre conscience de ses émotions et ses besoins constitue une condition sine qua non. Prendre conscience de sa façon de voir les choses pour les changer et vivre mieux les choses, gérer son énergie pour la mettre là où elle a un impact permet de baisser son sentiment d’impuissance et l’anxiété / le stress qui l’accompagnent pour retrouver son plein pouvoir d’action, sa pleine puissance sur son existence et la façon de la vivre.
Et vous ? Comment avez-vous vécu ces temps de confinement ? Que referiez-vous différemment aujourd’hui ? Et qu’est-ce que cela permettrait ?